lundi 12 février 2007, 13h49
Total et 12 autres prévenus jugés pour le naufrage de l'Erika
PARIS (Reuters) - Le procès du groupe Total, de deux de ses filiales et de 12 autres personnes physiques et morales poursuivies pour la pollution provoquée par le naufrage du pétrolier Erika en 1999 au large de la Bretagne s'est ouvert lundi au tribunal correctionnel de Paris.
Le capitaine indien du navire, Karun Mathur, ne s'est pas présenté au procès et ne s'est pas fait représenter par un avocat. Libéré après une courte incarcération, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis 2001.
Quelques dizaines de personnes ont manifesté devant le Palais de Justice avant l'ouverture du procès. Il s'agissait de bénévoles ayant participé aux opérations de nettoyage des côtes bretonnes en 1999 et qui estiment ne pas avoir été informés suffisamment du caractère présumé toxique du fioul de l'Erika.
C'est la première fois qu'un dossier de pollution maritime de cette importance, impliquant une multinationale, est jugé en France. Cinquante-neuf audiences ont été programmées jusqu'au 13 juin, 92 avocats assistent les prévenus et les parties civiles.
Le groupe Total et ses filiales Total Transport et Total Petroleum Services sont poursuivis pour "pollution maritime" et "complicité de mise en danger de la vie d'autrui". Bertrand Thouillin, chargé de la sécurité au sein du groupe, comparaîtra à titre personnel.
Le pétrolier Erika, qui battait pavillon maltais, s'était brisé en deux le 12 décembre 1999 dans une tempête et avait sombré au large des côtes bretonnes.
Environ 20.000 des 31.000 tonnes de sa cargaison, du "fioul n°2" hautement polluant et toxique destiné à la combustion, s'étaient échappées des cuves et avaient souillé 400 km de côtes, principalement dans le Finistère, le Morbihan, la Loire-Atlantique et la Vendée.
Total encourt une simple amende, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers d'euros, et surtout risque d'être condamné à verser des dommages et intérêts à l'Etat, aux associations et collectivités locales déjà parties civiles.
"DIABLE AUX POCHES PROFONDES"
L'Etat a annoncé qu'il demanderait à lui seul 153 millions d'euros.
Les quelques 74 parties civiles déjà constituées demanderont plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires, au titre des dégâts et des dépenses engagées, mais aussi au titre d'un supposé préjudice "moral". Le conseil général de Vendée demandera quant à lui 15 millions d"euros, a annoncé son président, Philippe de Villiers.
Total nie toute responsabilité et ses avocats vont plaider la relaxe. Ils estiment qu'on cherche à tirer profit de la société en faisant le portrait d'un "diable aux poches profondes". Le géant français, quatrième groupe pétrolier mondial, a réalisé 2,27 milliards d'euros de bénéfices en 2005.
Une cinquantaine de témoins et six experts doivent participer à ce procès où les débats seront, fait exceptionnel, traduits simultanément en anglais, italien et hindi.
L'organisation du procès va coûter selon le tribunal 580.000 euros, dont 280.000 pour l'interprétariat.
Aux yeux des parties civiles, le procès met en cause les dérives de la mondialisation du commerce maritime. L'Erika, navire construit au Japon en 1975, a changé huit fois de propriétaire et trois fois de pavillon (Panama, Liberia, Malte).
Hormis l'Etat de Malte, qui a bénéficié d'une immunité à l'instruction, l'ensemble des acteurs de l'affaire seront jugés à commencer par Rina, le propriétaire du navire italien, Giuseppe Savarese, Antonio Pollara, responsable de la société italienne de gérance technique de l'Erika, Panship, Alessandro Ducci et Mauro Clemente, qui ont sous-affrété le navire à Total et le capitaine indien du pétrolier, Karun Mathur.
Trois militaires et un employé civil de la préfecture maritime de Brest sont aussi renvoyés pour le pilotage du navire dans la tempête.